Caniba : Ma chronique
Publié dans Chroniques, écrits
À aucun moment Issei Sagawa n’exprime de regret vis-à-vis de ses actes ou de remords à l’égard de sa victime qui n’est jamais évoquée en tant que personne. Renée Hartevelt est encore et toujours réduite en tant qu’objet de désir et de jouissance extrême. La façon dont il raconte et présente son manga donne l’impression qu’il tue et abuse de sa victime une nouvelle fois. Il semble revivre littéralement son crime, ce qui n’est pas sans rappeler les nombreuses confessions de tueurs en série qui se gaussent de raconter leurs récits criminels à qui veut les entendre, en exagérant parfois.
Caniba offre une plongée anxiogène et troublante dans l’esprit malade d’un homme qui semble très diminué par son état de santé. Issei Sagawa donne l’impression d’avoir régressé au stade d’enfant en bas âge, tantôt couché ou assis, attendant qu’on lui raconte des histoires, qu’on lui chante une berceuse, qu’on l’aide à se laver ou encore, qu’on le nourrisse. Vers la fin du documentaire, on peut voir une auxiliaire de vie, fan de cosplay et habillée en soubrette, ce qui n’est pas sans rappeler un certain fétichisme, s’occuper d’Issei Sagawa de manière infantilisante. Ce dernier, choyé, les yeux perdus dans le lointain, fait le constat qu’il se sent enfin heureux, pour la première depuis bien longtemps. Sa déclaration résonne presque comme une finalité existentielle. C’est comme si cette régression à un état presque « larvaire » l’avait ramené aux origines profondes de ses fantasmes, dans le cocon confortable de ses déviances.
CANIBA (France, 2017), un film de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor, avec Issei Sagawa, Jun Sagawa, Satomi Yoko. Durée : 96 minutes. Interdit aux moins de 18 ans. Sortie en France le 22 août 2018.