Selon lui, il était important de savoir manier les mots et d’avoir un langage riche, deux éléments fondamentaux pour bénéficier d'une pensée élaborée. Dans sa toute première lettre, il m’exprima sa satisfaction de savoir que la lecture de son livre intitulé ''Les Portes de Janus'' avait suscité mon intérêt le plus vif. Il m’expliqua que son ouvrage est désormais autorisé dans les universités britanniques et américaines.
Le livre de Ian Brady est très intéressant mais il est important de garder à l'esprit qu'il tente, consciemment ou inconsciemment (un peu des deux sans doute), de par ses analyses poussées sur la psychologie et le monde des hommes, d'intellectualiser ses actes criminels pour leur trouver une légitimité. Il le dit lui-même concernant ses meurtres : "Il s'agissait d'un exercice existentiel." Par exemple, c'est ce qu'il fait en usant allègrement de la théorie du relativisme moral, Brady ayant parfaitement conscience du bien et du mal. En cela, Les Portes de Janus est bel et bien le livre d'un psychopathe, froid et calculateur.
Plus que le fond de ses réflexions, c'est l'usage qu'il a en fait qui nous en apprend beaucoup sur lui. Depuis sa jeunesse, Brady aimait Dostoïevski et surtout, Crime et Châtiment qui était son bouquin préféré. Il s'identifiait fortement à son personnage principal, le jeune meurtrier Raskolnikov qui, dans une situation de grande pauvreté, n'a de cesse de s'interroger sur le bien-fondé de sa démarche, à travers la question suivante : "un meurtre est-il moralement tolérable s'il conduit à une amélioration de la condition humaine ?". Vers les dernières années de sa vie, il m'avait recommandé la lecture de "Langage et Silence", de Georges Steiner, à l'époque où nous correspondions ensemble. Cet ouvrage décortique le pouvoir du langage, son sens et ses conséquences, mais aussi sa fragilité et les menaces qui pèsent sur lui, comme par exemple son instrumentalisation et sa récupération. Là encore, il est question de relativisme.